Les nouvelles jurisprudences

Le report d’un entretien préalable repousse-t-il le délai d’un mois ?
Est-ce que lors d’un licenciement disciplinaire, le report de l’entretien préalable à l’initiative de l’employeur repousse le délai de notification d’un mois pour rompre le contrat de travail ?
Non !
Pour rappel, le Code du travail dispose que la notification d’un licenciement disciplinaire ne peut intervenir :
- moins de 2 jours ouvrables après le jour fixé pour l’entretien préalable ;
- et plus d’un mois après l’entretien[1].
Le dépassement de ce délai pour notifier le licenciement rend ce dernier dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation rappelle régulièrement sa jurisprudence sur le report de l’entretien préalable et l’impact de celui-ci sur la notification du licenciement.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025, la salariée avait été convoquée à un entretien préalable qui avait initialement été fixé au 29 août, l’entretien avait ensuite été reporté au 6 septembre à l’initiative de l’employeur qui avait ensuite notifié le licenciement le 7 octobre. La salariée avait alors saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement.
Cette affaire fut l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que si le report de l’entretien préalable résulte de la seule initiative de l’employeur, le délai maximal d’un mois pour notifier le licenciement court à compter de la date de l’entretien initial et non à compter de la date de l’entretien reporté. Ainsi, le report de l’entretien sur l’initiative de l’employeur ne modifie pas le point de départ du délai.
Toutefois, il est également important d’avoir à l’esprit que tel n’est pas le cas lorsque le salarié est à l’initiative du report. Dans une telle situation, le délai court à compter de la date de l’entretien reporté.
Il faut donc être extrêmement vigilant au délai pour notifier le licenciement lorsque vous reportez l’entretien préalable. Si ce report fait suite à la demande du salarié, assurez-vous de disposer de la preuve de cette demande.
Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2025 : https://urls.fr/i7UCjT
[1] Article L1332-2 du code du travail
Consultation sur les orientations stratégiques : l’expert du CSE a droit à l’accès à la BDESE
L’expert du CSE dispose d’un droit d’accès à la BDESE dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques (entreprises de 50 salariés et plus)
Pour rappel, les entreprises de 50 salariés et plus doivent mettre à disposition du comité économique et social (CSE) et des représentants du personnel une base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). La BDESE rassemble les informations sur les grandes orientations économiques et sociales de l’entreprise. Elle comprend des mentions obligatoires qui varient selon l’effectif de l’entreprise.
Le comité social et économique (CSE) est consulté annuellement sur les orientations stratégiques de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages.
Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences[1].
Le Code du travail ne liste cependant pas les informations que l’employeur doit spécifiquement mettre à la disposition du CSE, contrairement aux deux autres consultations récurrentes sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. Le Code du travail dispose simplement que la BDESE permet la mise à disposition des informations nécessaires aux consultations récurrentes.
Dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques, le CSE peut recourir à un expert-comptable pour l’assister. Pour information, dans le cadre d’une expertise portant sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le coût de l’expertise est pris en charge à 80 % par l’employeur et à 20 % par l’entreprise.
En tant qu’employeur, vous êtes alors tenu de lui fournir tous les éléments nécessaires à l’exercice de sa mission. Les élus doivent avoir un accès à la BDESE, mais aucune disposition ne prévoit qu’un expert désigné par un CSE puisse, lui aussi, en disposer.
Ainsi, la question se pose de savoir si l’expert mandaté par le CSE dans le cadre d’une consultation sur les orientations stratégiques peut avoir accès à la BDESE.
La cour d’appel de Paris est venue apporter des précisions sur cette question.
En l’espèce, une société n’avait pas transmis les documents sollicités par l’expert mandaté par le CSE, dont les informations et documents contenus dans la BDESE et elle n’avait ouvert l’accès de la base à l’expert.
Le CSE a saisi le juge afin qu’il ordonne la communication, par l’employeur, des éléments manquants à son information-consultation.
La société soutenait sur ce point qu’il n’existait aucune obligation légale d’accès de l’expert à la BDESE, s’agissant de la consultation sur les orientations stratégiques.
Cependant, la Cour d’appel a décidé que la société était contrainte d’ouvrir l’accès à la BDESE à l’expert, et l’a en outre condamnée à payer des dommages et intérêts au CSE.
En cas de désaccord sur les documents et informations sollicités par l’expert, l’entreprise peut saisir le juge judiciaire, dans un délai de 10 jours à compter de la notification du cahier des charges. En l’espèce, la société n’avait pas usé de cette faculté.
Consulter la décision de la Cour d’appel du 20 mars 2025 : https://urls.fr/8dmeoN
Consulter le site du Service public sur la BDESE : https://urls.fr/wSALcQ
[1] Article L2312-24 du code du travail
Saisie sur salaire : hausse de la fraction insaisissable au 1er avril 2025
Le décret n° 2025-293 du 29 mars 2025 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active a été publié le 30 mars 2025 au Journal officiel. Le montant du revenu de solidarité active (RSA) est revalorisé de 1,7 % au 1er avril 2025. Cette augmentation a un impact sur le montant de la fraction insaisissable du salaire.
Le montant forfaitaire du RSA s’élève désormais, pour une personne vivant seule et sans personne à charge, à 646,52 €, contre 635,71 € auparavant (montant en vigueur depuis le 1er avril 2024).
Dans le cadre d’une saisie sur salaire, vous ne pouvez saisir qu’une partie de la rémunération du salarié. Le montant de cette saisie ou cession est calculé en fonction :
- du salaire ;
- du nombre de personnes à charge du salarié ;
- d’un barème en principe fixé par décret tous les ans.
Toutefois, une fraction de la rémunération du salarié est absolument insaisissable ou incessible.
En effet, le salarié dont la rémunération fait l’objet d’une saisie ou d’une cession de rémunération doit dans tous les cas conserver à sa disposition une somme égale au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) fixé pour un foyer composé d’une seule personne[1].
La fraction de salaire absolument insaisissable est donc portée à 646,52 € au 1er avril 2025.
Consulter le décret n° 2025-293 du 29 mars 2025 : https://urls.fr/W7Trx5
[1] Article R3252-5 du code du travail
Entretien préalable au licenciement : l’importance du respect du délai légal de convocation
L’entretien préalable doit se tenir dans un délai minimum de 5 jours ouvrables pleins à compter de la présentation de la convocation au salarié
Entre la convocation à un entretien préalable de licenciement et la tenue de celui-ci, vous devez respecter un délai minimum de 5 jours. Seuls les jours ouvrables sont décomptés (du lundi au vendredi et samedi mais uniquement s’il est travaillé habituellement). De plus, ce délai commence à courir à partir du jour suivant la première présentation de la lettre de convocation.
La convocation à l’entretien préalable est la première étape de la procédure de licenciement pour motif personnel.
Elle est adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Une remise en main propre est également envisageable. Elle doit être remise contre décharge afin de prouver, en cas de litige, que vous avez respecté le délai minimum entre la convocation et la tenue de l’entretien préalable.
Le délai minimum entre la convocation et la tenue de l’entretien préalable est de 5 jours ouvrables après le jour de la première présentation de la lettre de convocation[1].
Pour information, ce délai est réduit à 2 jours en cas de licenciement pour motif économique.
Le jour de la première présentation de la lettre au salarié ne compte pas. Ce qui veut dire que l’entretien ne peut avoir lieu qu’à partir du 6e jour ouvrable suivant la première présentation de la lettre de convocation.
Mais attention, seuls les jours ouvrables sont décomptés. Les jours non ouvrables, c’est-à-dire les dimanches et les jours fériés, ne sont pas pris en compte dans ce délai.
La Cour de cassation a confirmé cela dans une décision du 12 mars 2025. La salariée avait été convoquée à un entretien préalable. La lettre de convocation a été présentée le vendredi 22 décembre 2017. La salariée a récupéré son courrier le 23 décembre. Les dimanche 24 et lundi 25 décembre, jours non ouvrables, ne devaient pas être décomptés des 5 jours minimum.
Mais ici, à la date de l’entretien préalable, soit le vendredi 29 décembre 2017, la salariée n’avait pas bénéficié d’un délai de 5 jours ouvrables pleins. L’employeur a été condamné à lui payer une somme de 2100 euros à titre d’indemnité pour non-respect du délai de 5 jours.
Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 2025 : https://urls.fr/Sdc9ST
[1] Article L1232-2 du code du travail
Délai de contestation du procès-verbal de carence
Le point de départ du délai de contestation du procès-verbal de carence court à compter de sa publication
Lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection professionnelle, la requête est recevable si elle est faite dans un délai de 15 jours suivant cette élection[1]. Le point de départ de cette contestation est fixé, en principe, au lendemain de la proclamation des résultats[2].
Toutefois, lorsque les élections n’ont pas eu lieu et que l’employeur a établi un procès-verbal de carence, la question se pose du point de départ du délai pour contester ce procès-verbal de carence.
En l’espèce, une entreprise a établi le 7 mai 2023, en l’absence de candidatures, un procès-verbal de carence. Elle a transmis le procès-verbal directement en ligne sur le site « elections.professionnelles.travail.gouv.fr ». Le document a été réceptionné le 31 mai suivant par le centre de traitement des élections professionnelles.
Pour rappel, l’employeur doit transmettre le procès-verbal de carence dans les 15 jours. La transmission du procès-verbal peut être effectuée par voie électronique sur la plateforme numérique des élections professionnelles, comme c’est le cas en l’espèce.
Le 2 octobre 2023, une salariée a saisi le tribunal judiciaire pour demander l’annulation du procès-verbal de carence.
Le tribunal judiciaire a fait droit à la demande de la salariée et a annulé le procès-verbal de carence. Selon lui, sa demande n’était pas prescrite. La publication du procès-verbal sur le site du Gouvernement dédié aux élections professionnelles n’avait pas pu faire courir le délai de forclusion à l’égard de la salariée, dans la mesure où rien ne permettait de savoir si elle avait effectivement consulté la page internet elections.professionnelles.travail.gouv.fr/résultats, sur lequel il était publié, de sorte que la communication de cette information via la publication sur ce site n’a pas date certaine.
Pour information, l’annulation du procès-verbal de carence emporte de multiples conséquences sérieuses pour l’entreprise qui peut être poursuivie pour délit d’entrave. Les salariés peuvent également solliciter des dommages et intérêts pour absence de mise en place des instances représentatives du personnel sans justificatif. De plus, certaines décisions de l’employeur peuvent être déclarées irrégulières lorsqu’une procédure de consultation était nécessaire et qu’elle n’a pas eu lieu, notamment dans le cas d’une procédure de licenciement économique ou d’inaptitude. En l’espèce, la salariée avait justement été licenciée pour inaptitude. L’annulation du procès-verbal de carence lui permet de demander une indemnisation spécifique selon les modalités fixées à l’article L1226-15 du Code du travail.
L’entreprise s’est pourvue en cassation, faisant valoir que le délai de forclusion de 15 jours dont dispose un salarié pour contester la régularité d’élection d’un comité social et économique (CSE) ayant donné lieu à un procès-verbal de carence court à compter du lendemain du jour où l’employeur a porté le procès-verbal à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à l’information, peu important la date à laquelle le salarié en a effectivement personnellement pris connaissance. Selon l’employeur, le tribunal a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoyait pas en exigeant que l’entreprise établisse que la salariée avait pris connaissance du procès-verbal de carence.
La Cour de cassation annule la décision du tribunal et considère que le délai de contestation du procès-verbal de carence court à compter de sa publication.
La publication du procès-verbal de carence constitue le point de départ du délai de contestation du procès-verbal. La Cour de cassation ne précise pas quelle est cette publication. On en déduit au regard des faits de l’espèce qu’il s’agit de la publication sur le site internet des élections professionnelles.
Au regard de la décision, il est fortement recommandé à l’employeur de procéder à la publication du procès-verbal de carence pour que le délai de contestation de 15 jours puisse commencer à courir. Rien ne lui interdit de le transmettre également aux salariés par courriel (de préférence avec accusé de réception), sur l’intranet de l’entreprise ou par voie d’affichage au sein de l’entreprise après avoir envoyé un courriel d’information avec accusé de réception.
Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 26 février 2025 : https://urls.fr/fd9HDe