Jurisprudence
Vendredi 14 FévEst-ce qu’un employeur peut procéder au licenciement d’un salarié qui n’a pas reçu sa convocation à l’entretien préalable en raison d’une erreur de La Poste ?
Non.
L’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien qui ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre (Article L1232-2 du code du travail). Le point de départ de ce délai se situe le lendemain du jour de la remise de la convocation en main propre ou de la première présentation de la lettre au domicile du salarié.
Le non-respect du délai de 5 jours, qui a pour but de laisser au salarié le temps de préparer sa défense et de rechercher une assistance, est une irrégularité de procédure, et cela même si l’intéressé a réussi à se faire assister lors de l’entretien préalable.
Dans un arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation se prononce sur la question de la régularité de la procédure de licenciement d’un salarié auquel l’employeur a adressé une convocation à un entretien préalable par lettre recommandée avec avis de réception mais qui n’en a jamais été destinataire du fait d’une erreur de La Poste.
En l’espèce, une salariée à laquelle est adressée une lettre recommandée de convocation à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement ne la reçoit jamais puisqu’elle est absente de son domicile au moment de sa présentation et qu’aucun avis de passage ne lui est délivré afin de lui indiquer qu’elle est à sa disposition au bureau de poste. Licenciée pour faute grave un mois après, elle saisit la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit jugé nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse. À l’appui de cette demande, elle fait valoir que, n’ayant jamais été destinataire de la lettre de convocation à l’entretien préalable, le délai de 5 jours ouvrables devant séparer ce courrier de l’entretien n’a pas été respecté par l’employeur.
La cour d’appel la déboute de sa demande en considérant que dès lors que l’employeur avait rempli ses obligations en adressant la convocation dans les délais et les formes impartis et à l’adresse exacte de la salariée, et aucune irrégularité ne pouvait lui être opposée.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et censure la décision des juges du fond. Pour elle, ils ne pouvaient pas juger la procédure de licenciement régulière et débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts alors qu’ils avaient constaté que la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable n’avait pas été présentée à la salariée, et ce, même si ce défaut de présentation résultait d’une erreur de La Poste.
Cette solution peut paraître sévère pour l’employeur, qui n’a commis aucune erreur dans la procédure de convocation de la salariée à l’entretien préalable et qui ne pouvait pas se douter de celle de La Poste. Toutefois, elle s’explique par le fait que la salariée n’a pas pu bénéficier du délai de 5 jours ouvrables pour préparer sa défense et rechercher une assistance.
La solution aurait surement été différente si la salariée, avisée du passage de La Poste, n’avait pas été retirer sa lettre de convocation auprès d’elle. La Cour de cassation considère en effet, dans ce cas, que le délai de 5 jours ouvrables commence à courir à compter du lendemain de la première présentation de la lettre de convocation au domicile du salarié, peu important la date de son retrait.
Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2024 : https://urls.fr/7lveoG
Salarié protégé : plus d’obligation de reclassement préalable en cas d’insuffisance professionnelle mais seulement une obligation d’adaptation
Tout salarié candidat lors d’une élection professionnelle, titulaire ou ancien titulaire d’un mandat de représentant du personnel ou exerçant certains mandats ou certaines fonctions extérieures à l’entreprise bénéficie d’une protection contre le licenciement. Ce salarié est dit salarié protégé;
Cette protection vise à s’assurer que le licenciement n’a pas de lien avec son mandat ou sa fonction.
Les principaux salariés protégés sont les suivants :
- Membre du CSE (titulaire et suppléant) ;
- Délégué syndical ;
- Représentant syndical au CSE ;
- Représentant de la section syndicale ;
- Représentant des salariés désigné dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou une liquidation judiciaire ;
- Conseiller prud’homme ;
- Conseiller du salarié ;
- Défenseur syndical.
Afin de permettre au salarié protégé d’exercer en toute sérénité son mandat et d’être protégé contre d’éventuelles mesures de représailles ou d’intimidation de la part de l’employeur, le salarié protégé bénéficie d’une protection contre la rupture de son contrat de travail.
L’employeur doit alors demander l’autorisation à l’inspecteur du travail pour rompre le contrat de travail du salarié.
Le salarié protégé bénéficie d’une protection pendant toute la durée de son mandat. À la fin de son mandat, il bénéficie également, dans certains cas, d’une protection qui varie entre 6 et 12 mois. Par exemple, pour un membre du CSE, la protection se prolonge 6 mois après la fin de son mandat.
L’insuffisance professionnelle consiste en l’incapacité du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle est caractérisée par des échecs, des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif. Les carences doivent être relativement importantes et persistantes.
Lorsque le salarié est protégé, l’employeur doit demander à l’inspecteur du travail l’autorisation de le licencier. Une jurisprudence constante du Conseil d’État a précisé les points que l’autorité administrative doit contrôler.
Ainsi elle doit rechercher si l’insuffisance invoquée est telle qu’elle justifie le licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé. Outre la recherche de l’absence de discrimination, l’inspecteur du travail doit également vérifier que l’employeur a procédé à une réelle recherche de reclassement du salarié.
Cette obligation ne résulte pas du Code du travail, mais a été imposée par la jurisprudence, et confirmée par l’administration. Le Conseil d’État est revenu sur cette solution et opère un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 2 décembre 2024.
Dans cette affaire, une entreprise demande l’autorisation de licencier un salarié protégé pour insuffisance professionnelle. Cette autorisation lui est refusée. Dans un premier temps, les juges du fond considèrent que l’insuffisance professionnelle est suffisamment caractérisée au vu de la multiplicité des manquements professionnels imputables au salarié, lesquels ont tous trait à la mission pouvant lui incomber, cette insuffisance étant révélée sur une période d’une année, et appréciée au regard de la promotion professionnelle importante et extrêmement rapide dont l’intéressé a bénéficié.
Puis, dans un second temps, la cour administrative d’appel estime que l’employeur a bien rempli son obligation d’adaptation et de formation. Elle souligne à cet égard qu’aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n’impose une obligation de reclassement à un employeur qui souhaite licencier un salarié auquel il reproche une insuffisance professionnelle, les dispositions du Code du travail ne prévoyant une telle obligation que dans les hypothèses où le licenciement est justifié soit par un motif économique (Article L1233-4 du code du travail ), soit par l’inaptitude médicale du salarié 5Article L1226-2 du code du travail). L’obligation de reclassement qui était imposée à l’employeur par le juge administratif ne résultait effectivement d’aucun texte.
L’employeur ne peut donc invoquer l’insuffisance professionnelle que si tous les moyens, en temps et en formation, ont été donnés au salarié pour qu’il puisse faire ses preuves. Selon le Conseil d’État, dans son arrêt du 2 décembre 2024, les juges du fond auraient dû rechercher si l’employeur avait pris les mesures propres à satisfaire à son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et envisagé, le cas échéant, de lui confier d’autres tâches susceptibles d’être mieux adaptées à ses capacités professionnelles.
Il n’y a donc plus d’obligation de reclassement, mais seulement d’adaptation, laquelle doit être respectée et dûment contrôlée par l’autorité administrative. À défaut, l’autorisation de licenciement doit être refusée.
Consulter l’arrêt du Conseil d’état en date du 2 décembre 2024 : https://urls.fr/bQ9SOq
Congé sabbatique, quelles sont les règles en 2025 ?
Le congé sabbatique est une période prolongée pendant laquelle un salarié choisit de quitter l’entreprise pendant une durée d’au plus 11 mois, pour convenance personnelle, sans avoir à démissionner.
Le salarié a, en principe, l’assurance de retrouver son emploi à la fin de son congé sabbatique.
La durée légale d’un congé sabbatique est obligatoirement de 6 mois minimum, plusieurs fois renouvelable dans la limite de 11 mois maximum. Au-delà, l’employé devra demander un congé sans solde.
Cependant, le droit à bénéficier d’une année sabbatique n’est pas automatique. En effet, le salarié doit remplir plusieurs conditions à la date de départ en congé, notamment des conditions d’ancienneté. De plus, l’accord de l’employeur est nécessaire.
Le congé sabbatique est ouvert à tous les salariés de l’entreprise, peu importe leur statut, dès lors qu’ils remplissent les conditions d’éligibilité fixées par la loi. Les conditions pour bénéficier d’un congé sabbatique sont les suivantes :
- Ancienneté minimale dans l’entreprise. Le salarié doit justifier, à la date de départ en congé sabbatique, d’une ancienneté minimale dans l’entreprise, de 36 mois consécutifs ou non.
- Le salarié ne doit pas avoir bénéficié au cours des 6 dernières années d’un congé sabbatique, d’un congé de création d’entreprise ou d’un projet de transition professionnelle (PTP) d’une durée au moins égale à 6 mois.
- Le salarié doit aussi justifier de 6 années d’activité professionnelle, dans l’entreprise ou non.
Le salarié doit formuler sa demande au moins 3 mois avant la date de départ envisagée. La demande doit être faite avec un certain formalisme, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier électronique par exemple. Néanmoins, le salarié n’est pas tenu de justifier sa demande par un motif personnel ou professionnel ni de donner le détail de son projet.
Les informations qui doivent obligatoirement figurer sur la lettre de demande de congé sabbatique sont les suivantes :
- La date de départ.
- La durée du congé envisagé.
L’employeur a 30 jours, à compter de la notification écrite du salarié, pour communiquer sa décision.
Plusieurs options s’offrent à l’employeur :
- Soit il accepte et valide la date de départ demandée par l’employé.
- Soit il accepte avec une réserve sur la date de départ en congé. Dans ce cas, il a la possibilité de reporter de 6 mois maximum (dans les entreprises de plus de 300 employés) ou de 9 mois maximum (dans les entreprises de moins de 300 employés) la date de départ de son salarié.
- Soit il refuse, car le congé sabbatique aurait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. Cet avis doit être confirmé par le Comité social et économique (CSE).
- Soit il refuse, car le salarié ne répond pas aux conditions pour prétendre à ce dispositif.
Dans tous les cas, l’employeur doit notifier le report ou le refus au salarié par tout moyen permettant de justifier de la date de réponse (lettre remise en main propre contre récépissé, lettre recommandée avec accusé de réception, courrier électronique).
Sans réponse de la part de l’employeur dans les 30 jours à compter de la présentation de la demande, le congé sabbatique est tacitement accordé.
Une fois que le congé sabbatique a été accepté, le salarié peut demander une reprise anticipée à son employeur, mais ce dernier n’est pas légalement obligé d’accepter le retour du salarié avant la date de retour initialement prévue. De même, l’employeur ne peut pas imposer au salarié de revenir plus tôt que prévu ni de prolonger son congé sabbatique.
En cas de refus par l’employeur, le salarié dispose de 15 jours à compter de ce refus pour contester cette décision devant le Conseil des prud’hommes.
Néanmoins, il n’y a aucun recours possible contre l’employeur en cas de report de la date de départ, dans la limite des délais de 6 à 9 mois maximum selon la taille de l’entreprise.
Pendant le congé sabbatique, le contrat de travail est suspendu. Cependant, malgré la suspension de son contrat de travail, le salarié peut toujours être licencié pour motif économique, ou pour motif personnel en cas de faute grave commise avant le départ.
Pendant son congé sabbatique, le salarié a la possibilité de travailler ailleurs et d’exercer une activité professionnelle rémunérée pour un autre employeur et dans une activité différente, à condition de respecter les clauses de loyauté et de non-concurrence qui le lient toujours à son employeur. Ainsi, un salarié ne peut pas utiliser son congé sabbatique pour créer une entreprise concurrente à celle de son employeur.
Pendant le congé sabbatique, la rémunération est également suspendue.
Néanmoins, il reste affilié au régime général de sécurité sociale (assurance maladie et maternité) et les prestations du régime de prévoyance qu’il a souscrites restent valides pendant la durée du congé sabbatique. Ainsi, un salarié qui entre en arrêt maladie, après avoir obtenu un accord de congé sabbatique, continuera de percevoir ses indemnités journalières durant le temps prévu, jusqu’à la fin de l’arrêt maladie. Cependant, la durée et la date de retour du congé sabbatique ne seront pas reportées pour autant.
Après le congé sabbatique, le contrat étant suspendu et non rompu, le salarié reprend son travail, dans son emploi, ou dans un emploi à un poste similaire au sein de l’entreprise, avec un salaire similaire à celui qu’il touchait avant son départ, ainsi que le cumul de son ancienneté, de ses congés payés, sa retraite et autres avantages sociaux.
Au retour de l’employer, un entretien professionnel consacré aux perspectives d’évolution professionnelle, cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail et est obligatoire. Celui-ci donne lieu à la rédaction d’un document. Une copie est remise au salarié.
Consulter la fiche du service public sur le congé sabbatique du salarié dans le secteur privé : https://urls.fr/TLU1k4
Index de l’égalité professionnelle : un rendez-vous annuel immanquable pour les entreprises d’au moins 50 salariés
Comme chaque année, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer, au plus tard d’ici le 1er mars, leur index égalité professionnelle (ou « index Egapro »).
Afin de déterminer le nombre de salariés au sein de l’entreprise, il faut prendre en compte le
nombre de salariés en équivalent temps plein (article L1111-2 du Code du travail). Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise : les apprentis et les titulaires d’un contrat de professionnalisation jusqu’au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu’à la fin de l’action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.
Une note sur 100 est attribuée en additionnant les points obtenus par les 4 indicateurs suivants :
· Écart de rémunération entre les femmes et les hommes, sur 40 points ;
· Écart de taux d’augmentations individuelles entre les femmes et les hommes, sur 35 points ;
· Pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité, sur 15 points ;
· Nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations, sur 10 points ;
· l’écart de taux de promotions (uniquement pour les entreprises de plus de 250 salariés).
Par exemple, une entreprise obtiendra 40 points si l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes constaté est égal à 0 %. D’autre part, si l’écart de taux d’augmentations individuelles entre les femmes et les hommes se situe, hors promotion, à 4 %, l’entreprise recueillera 10 points sur les 20 maximum.
Si vous constatez un score global en deçà de 85 points, vous devrez fixer des objectifs de progression pour l’ensemble des indicateurs n’ayant pas atteint la note maximale. Si votre note globale est inférieure à 75 points, vous devrez définir de mesures de correction et, le cas échéant, de rattrapage salarial. Vous disposerez, afin de vous mettre en conformité, d’un délai de 3 ans.
Ces mesures et objectifs de progression devront être définis, si nécessaire, à l’occasion de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle. A défaut d’accord, ils seront déterminés par une décision unilatérale précédée, le cas échéant, d’une consultation du CSE.
Une fois vos démarches accomplies, êtes-vous dans l’obligation de procéder à la publication de votre note globale ainsi que des notes obtenues pour chacun des indicateurs ?
Oui, vous n’avez pas le droit de vous en dispenser. Le 1er mars constitue, là encore, l’échéance à respecter.
Vous devez donc publier votre note globale et vos indicateurs, de manière visible et lisible, sur le site Internet de l’entreprise. Leur consultation doit être possible au moins jusqu’à la publication, l’année suivante, des résultats obtenus au titre de l’année en cours. En l’absence de site Internet, vous devrez les porter à la connaissance des salariés par tout moyen.
Si la situation l’impose, les mesures de correction, de rattrapage ainsi que les objectifs de progression adoptés seront également publiés sur cette même page, et ce, une fois l’accord ou la décision unilatérale déposé sur la plateforme TéléAccords. Leur consultation restera possible jusqu’à ce que l’entreprise recueille le niveau de résultat requis (75 ou 85 points).
Vous devrez également transmettre l’intégralité de ces éléments à l’administration du travail, via le site egapro.travail.gouv.fr et les mettre à la disposition du CSE.
Si vous méconnaissez votre obligation de publication, vous vous exposez à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1 % de votre masse salariale.
Calculer et déclarer l’index de l’égalité professionnelle Égapro : https://urls.fr/nmf976